LES RÉFUGIÉS, EXPRESSION DE LA DÉLIQUESCENCE DE L’UNION EUROPÉENNE, par François Leclerc

Billet invité.

Hier soir et dans la nuit, six heures de foire d’empoigne auront permis aux dirigeants européens de renvoyer toute décision à propos des réfugiés à un nouveau sommet spécial qui aura lieu début mars. Priorité a été accordée à la recherche d’un compromis avec David Cameron permettant d’espérer éviter une sortie du Royaume-uni de l’Union européenne. Aucune décision n’aura donc été prise, et tous les espoirs restent officiellement placés dans la Turquie afin qu’elle sauve la situation. Les plus hautes autorités se sont retrouvées totalement démunies.

Exprimant le doute ambiant sur le réalisme de cette politique, les pays de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie) avaient auparavant lancé un ultimatum, donnant un mois pour que soit constaté une réduction significative du flux des réfugiés à la frontière greco-turque. Dans le cas contraire, ils soutiendront le verrouillage de la frontière grecque par la Bulgarie et la Macédoine.

Les autorités autrichiennes avaient décidé de l’instauration d’un quota quotidien de réfugiés accueillis dans leur pays limité à 80, et d’un autre de 3.200 réfugiés autorisés à passer leur frontière dans l’intention de créer un effet domino sur la Route des Balkans, aucun pays ne voulant se retrouver avec les réfugiés s’amassant sur son sol. Suite à une réunion avec ses homologues de Slovénie, de Croatie, de Macédoine et de Serbie, la police autrichienne a annoncé dans la foulée la création d’un couloir, afin qu’un enregistrement unique des réfugiés soit opéré en Macédoine, assorti d’un « transport contrôlé » pour rejoindre l’Autriche. La Commission a fait immédiatement valoir que « l’Autriche a une obligation légale d’accepter toute demande d’asile faite sur son territoire ou à sa frontière », en application de la Convention de Genève, mais le gouvernement autrichien a maintenu sa décision.

En réunissant parallèlement au sommet un « mini-sommet » des pays volontaires pour participer à un nouveau plan de relocalisation des réfugiés – le précédent étant toujours quasiment au point mort – Angela Merkel souhaitait enclencher un nouveau mécanisme reposant sur le transfert direct depuis la Turquie de réfugiés dans ces pays et était parvenue à convaincre François Hollande d’y assister.

Le contrôle de la mer Égée par la flotte de l’OTAN, investie d’une mission très floue ressemblant à s’y méprendre à une violation du droit de la mer interdisant de refouler les réfugiés, venait en appui de ce plan. Mais l’annulation de la participation du premier ministre turc est opportunément venue masquer que les conditions n’étaient pas réunies pour le promouvoir, imposant à la chancelière de trouver un autre moyen de sauver la face.

La guerre fait rage dans toute la région syrienne frontalière avec la Turquie, avec pour enjeu la progression des Kurdes syriens et le maintien d’une « zone de sécurité » où sont amassés les réfugiés qui la fuient, servant de bouclier humain aux autorités turques qui installent des infrastructures destinées à les fixer. La crise humanitaire de grande ampleur que connait la Syrie va en tout état de cause continuer à alimenter l’exode des réfugiés. Selon le Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies (Ocha), plus de la moitié de la population syrienne de 23 millions d’habitants a fuit son foyer.

Filippo Grandi, le nouveau Haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), juge aujourd’hui dans un entretien au Frankfurter Allgemeine Zeitung que l’Europe a « complètement échoué » dans la gestion de l’accueil des migrants. Il l’incite à se ressaisir, ce qu’elle traduit en leur fermant petit à petit la porte. Plus de 84.000 réfugiés ont accédé en janvier au territoire de l’Union européenne, c’est insoutenable !